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AVIS D’EXPERT
Le règlement des différends dans les contrats de partenariats public-privé
Généralités
Au Sénégal, la satisfaction des besoins d’intérêt général nécessite une diversification des sources de financements adossée à une recherche d’ingénierie technique et financière pour l’exécution des projets prioritaires contenus dans le Plan Sénégal Émergent dans un contexte de raréfaction des deniers publics accentuée notamment par les effets économiques induits par la pandémie liée à la COVID 19.
Mon propos n’est pas de confiner les partenariats public-privé à une simple recherche de financements alternatifs pour des projets publics souvent différés, faute de ressources budgétaires suffisantes mais de mettre en exergue une idée fondamentale relative au fait que par le recours aux PPP, les pouvoirs publics recherchent une plus grande performance de l’action publique, avec une volonté de bénéficier du savoir-faire et de l’expertise des opérateurs privés en termes notamment d’ingénierie financière, de maîtrise des coûts de gestion du service public, de qualité du service rendu, d’anticipation des chocs exogènes, de souplesse et de rapidité d’intervention. C’est justement pour cette raison, qu’il n’est pas exclu qu’un Etat extrêmement « liquide » d’un point de vue budgétaire ait recours pourtant à ce mode de contractualisation.
Au Sénégal, on rappelle que les pouvoirs publics ont pris pour optique de recourir aux financements privés dans un contexte d’optimisation des ressources publiques avec comme montage contractuel les contrats de partenariats public-privé dans tous les secteurs de la vie économique et sociale à l’exception de certains domaines liés aux mines, à l’énergie aux activités régulées des télécommunications etc.
Pour ce faire, le cadre institutionnel et législatif existant a été modifié suite à l’entrée en vigueur de la loi n°2021-23 du 2 mars 2021 relative aux contrats de partenariat public privé dont le décret d’application a été récemment adopté.
A travers ces dispositions, le Sénégal a adopté les lignes directrices de sa politique PPP en partant du principe reconnu par les Nations Unies suivant lequel les partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile sont nécessaires pour tout programme de développement durable réussi.
Le Sénégal, avec une pluralité des régimes juridiques retenus dans le passé avec les délégations de service public (COA et du CMP) et les autres contrats PPP dans une autre loi n°2014-09 du 20 février 2014 modifiée par la loi n°2015-03 du 12 février 2015, a opté pour une unification du cadre juridique applicable aux PPP dans sa nouvelle réglementation en consacrant :
-Les PPP à paiement public ;
- les PPP à paiement par les usagers.
Il est à préciser que cette réglementation spécifique sur les PPP a permis au Sénégal de légiférer sur les principes directeurs des PPP, les procédures applicables, les responsabilités institutionnelles durant les phases relatives à la passation et à la résolution des différends et des politiques telles que les règles de gestion des finances publiques.
Notre réflexion va s’articuler autour de deux points qui sont relatifs au règlement des différends liés à la passation des contrats PPP et au règlement des différends en cours d’exécution des contrats PPP. Selon l’article 10 de la loi sur les PPP, ces missions relèvent des attributions de l’organe de régulation et de règlements des différends défini comme étant l’organe de régulation chargé de trancher les litiges liés à la passation des contrats de PPP ainsi qu’à leur exécution dans les conditions prévues par décret.
En l’état actuel de la réglementation au Sénégal sur la commande publique, le CRD est l’organe compétent, au sein de l’entité en charge de la régulation des marchés publics, en charge d’une part de l’examen des recours non juridictionnels ouverts à tout candidat durant le processus de contractualisation et d’autre part du règlement amiable des différends entre les parties en cours d’exécution du contrat public (marchés publics, contrats de partenariats public-privé).
Le Règlement des Différends liés à la passation des contrats PPP
Le règlement des différends liés à la passation des contrats PPP est régi par les articles 50 et 51 de la loi de 2021-08-02 du 2 mars 2021 puis par les articles 123 à 125 du décret d’application.
Il est à relever que le législateur sénégalais a repris dans ces articles l’intégralité des dispositions du Code des Marchés publics relatives au règlement des différends dans les marchés publics dans la phase procédurale relative au recours gracieux et contentieux, ce qui nous permet de retenir l’unification du régime juridique des recours portant sur les MP et les PPP, quoique de base juridique distincte.
Le règlement des différends dans les PPP sera traité de manière classique suite à un rappel de principes relatifs:
- à l’identification de la personne habilitée à exercer un recours ;
- - aux cas de recours gracieux puis contentieux ;
- - à la procédure applicable à travers le recours administratif préalable ;
- - aux délais de saisine de l’autorité contractante ;
- - au recours contentieux devant l’organe de régulation (formalisme requis, procédure applicable et étendue des pouvoirs) ;
Qui est habileté à exercer un recours en matière de passation d’un contrat de PPP
En principe, tout candidat à une procédure d’attribution d’un contrat de partenariat public-privé peut exercer un recours pour élever des contestations en excipant plusieurs griefs portant notamment sur les conditions de participation des candidats, les critères de sélection, les garanties exigées, la régularité de la procédure suivie (mode de passation), les spécifications techniques retenues et les critères d’évaluation des offres etc.
Il est dès lors nécessaire de se poser la question de savoir qui est candidat à une procédure d’attribution d’un contrat PPP ? L’article 50 de la loi n°2021-08-02 du 2 mars 2021 définit le candidat comme étant une personne morale de droit privé qui participe ou dispose de l’aptitude à participer à une procédure de passation d’un contrat PPP et le soumissionnaire comme étant le candidat qui a déposé une offre dans le cadre d’une procédure d’attribution d’un contrat PPP.
Cette définition nous semble réductrice en ce qu’elle exclut les candidats personnes physiques ou groupements de personnes physiques, quel que soit leur capacité financière, du champ des PPP en ce qu’ils ne peuvent soumettre une offre dans ce cadre, ce qui nous semble contraire aux principes fondamentaux de la commande publique, encore proclamés par la loi sur les PPP et qui sont relatifs au libre accès à la commande publique et à la libre concurrence (prohibition de toute entrave à la liberté de concurrence).
Pour rappel, ces principes fondamentaux à caractère universel, avaient été consacrés dans la règlementation en vue du développement de l’industrie et d’un secteur privé fort de nature à favoriser le développement économique du Sénégal voire des Etats membres de la Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest, objectif qui est toujours d’actualité à travers l’examen de l’arsenal juridique du Sénégal sur les PPP.
La définition du candidat à un projet de contrat PPP retenue par le Sénégal n’est pas celle retenue par le droit français, ni par certains pays africains.
En France, l’article 1er de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat définit le contrat de partenariat comme un contrat administratif par lequel l’Etat ou un établissement public de l’Etat confie à un tiers pour une période déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, l’entretien, la maintenance l’exploitation ou la gestion d’ouvrages d’équipements ou biens immatériels nécessaires au service public ainsi que tout au partie de leur financement à l’exception de toute participation au capital.
Il importe de remarquer que la notion de tiers retenue par le législateur français en 2004 est une notion très large en ce que cette notion peut viser aussi bien la personne morale ou physique, un groupement de personnes physiques et/ ou morales etc.
Toutefois, cette notion de tiers a été abandonnée. En effet, selon le Code de la commande publique français ( article L1112-1),version entrée en vigueur depuis le 1er avril 2019, un marché de partenariat est un marché public qui a pour objet de confier à un opérateur économique ou à un groupement d’opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet notamment la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrage, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général et tout ou partie de leur financement.
La notion d’opérateur économique est très large en ce qu’elle peut englober plusieurs situations de fait donnant lieu à différents régimes juridiques applicables au candidat. Quant aux États africains, il est à noter une option intéressante prise par l’Etat guinéen dans le cadre de son projet de loi sur les PPP et qui consiste à faire référence à la notion de personne privée qui désigne toute personne morale de droit privé guinéenne ou étrangère ou un groupement de personnes :
- dont la majorité du capital et des droits de vote ne sont pas détenus directement ou indirectement par des personnes publiques guinéennes,
- et dont l'activité n’est pas financée ou garantie majoritairement par l'Etat ou une personne morale de droit public guinéen.
Par ailleurs, il est aussi à noter que le législateur sénégalais a également exclut du domaine d’application des procédures PPP les personnes morales de droit public soumises à la tutelle technique de l’autorité contractante à l’instar du législateur guinéen, compte tenu de ce qui précède avec les conditionnalités relatives à la structuration du capital social alors que l’article 43 du Code des Marchés Publics (CMP), relatif aux conditions pour prendre part aux marchés publics, leur permet dans ce cas de concourir dans le domaine des marchés publics sous réserve qu’elles justifient :
-de leur autonomie juridique et financière ;
-de règles de gestion selon le droit commercial et ;
-qu’elles ne sont pas des agences qui dépendent de l’autorité contractante.
En tout cas la définition du candidat traduit l’option du législateur sénégalais de réserver les contrats de partenariat aux seules personnes morales de droit privé , option qui nous semble assez réductrice, compte tenu de ce qui précède ; et au regard des dispositions du CMP ou le candidat, quel que soit sa forme juridique physique ou morale, est défini comme étant un fournisseur, un entrepreneur ou un prestataire de services qui participe ou dispose de l’aptitude à participer à une procédure de marché public. Toutefois, comparaison n’est pas raison surtout que les MP et les PPP obéissent à des objectifs et finalités différents adossés à des obligations et engagements des parties de portée distincte justifiant ainsi les régimes juridiques différenciés.
L’exercice des recours gracieux puis contentieux
Les articles 50 et suivants de la loi sur les PPP, davantage précisés par les articles 123 et suivants du décret d’application de la loi sur les PPP, comparés aux dispositions du CMP sur ces points, n’ont pas apporté d’innovations majeures sur :
- les cas de contestation dans les procédures de passation d’un contrat de partenariat ;
- la nécessité du recours administratif préalable ( recours gracieux) avant élévation du contentieux devant l’organe de régulation ;
- la procédure applicable et le formalisme requis dans l’acte de saisine du CRD;
- les délais du recours gracieux et de réponse de la personne responsable du contrat comparé au CMP ;
- le délai de saisine du CRD avec la nécessité d’une requête écrite invoquant une violation caractérisée de la réglementation assortie du versement du montant de la consignation ;
- l’appréciation de la recevabilité de la requête et la suspension de la procédure en cas de recours recevable ;
- la continuation de la procédure, nonobstant la suspension, sous réserve d’une certification par l’autorité contractante à l’ARMP et à la DCMP de la nécessité d’une contractualisation pour des motifs tirés de la protection des intérêts essentiels de l’Etat résultant de situation d’urgence impérieuse ;
- la portée des décisions du CRD, leur caractère définitif et leur force exécutoire ;
En définitive il est constaté une reprise in extenso des dispositions du CMP sur les recours dans les MP.
Toutefois il est d’un intérêt réel de mettre l’accent que les innovations notées dans la loi sur les PPP, innovations qui sont relatives à :
- la consécration du caractère franc des délais de saisine du CRD ;
- l’augmentation du délai de traitement des recours relatifs aux PPP par le CRD fixé à 15 jours francs et ouvrés à compter de la réception des documents complémentaires demandés dans le cadre de l’instruction du recours, faute de quoi l’attribution ne peut plus être suspendue ;
- la possibilité de prolongation du délai susvisée de 30 jours francs et ouvrés lorsque l’instruction du recours l’impose. Sur ce point, le législateur n’a pas déterminé de manière expresse les cas de prorogation de ce délai, ce qui confère au CRD un pouvoir souverain d’appréciation, compte tenu des éléments de la cause et du degré de complexité de la procédure. La règlementation ne consacre pas expressément une obligation pour le CRD d’en informer les parties, ni une obligation pour le CRD de respecter dans leur entièreté les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense en cours de procédure, principes sacro-saints pour une procédure (pour ne pas dire procès) juste et équitable.
A notre humble avis, la nouvelle règlementation sur les PPP a raté une belle occasion de consacrer dans le domaine de la commande publique une procédure de mise en état des recours sur les PPP avec la nécessité d’une communication des éléments de réponse des parties, de part et d’autre, dans des délais bien déterminés avec obligation pour l’instructeur, chargé du dossier, de veiller au suivi et à la fin de l’instruction afin de donner au CRD tous les éléments de droit ou de fait nécessaires au règlement du différend. Il n’est pas par ailleurs fait état de la possibilité pour les parties au différend en cours de procédure de se faire assister voire représenter par un avocat ou par toute personne de son choix.
Le CRD, face à ce vide législatif, pourra y remédier en s’inspirant des principes généraux du droit en la matière et des bonnes pratiques acquises au cours de son office.
Les Modes alternatifs de règlement des différends au cours de l’exécution des contrats PPP
Dans la mesure ou les accords PPP, de nature complexe, sont conclus à long terme avec des risques réels de divergences des parties en cours d’exécution du contrat PPP, le contrat doit faire preuve de souplesse pour faire face aux changements de circonstances dans le temps avec des mécanismes d’ajustement contractuels et de renégociation pour éviter la résiliation du contrat PPP assez lourde en terme de conséquences financières. Souci de ce risque majeur, le législateur sénégalais a pris l’option d’instituer dans la règlementation une procédure de résolution des différends a pour objectif un règlement rapide et efficace des différends entre les parties, sans risque d’interruption et de perturbation du service de nature à induire des pertes de gains et ressources aussi bien le secteur public que privé.
Comme décrit par Kerf et Al, la résolution des différends dans le cadre d’un PPP est, dans la plupart des cas, régie soit par les pouvoirs publics, soit par les clauses contractuelles qui font référence à la médiation et la conciliation présentant peu de différences avec des principes justificatifs fondés sur l’autonomie de la volonté des parties, voire la liberté des parties qui décident librement de soumettre leur litige au règlement amiable de personnes tierces ; un tiers intervenant pour aider à résoudre un désaccord en aidant les parties à trouver une solution équitable conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Toutefois, une différence existe entre le médiateur et le conciliateur quant à l’étendue de leur pouvoir durant leur saisine car le médiateur a pour mission d’aider les parties à rechercher une solution consensuelle à travers la facilitation des négociations privées pour un accord alors que le conciliateur, en plus de ces pouvoirs, peut faire aux parties des propositions, émettre un avis sur le conflit et suggérer aux parties une solution afin de faciliter la conclusion d’un accord (CF article 19 du décret n°2014-1653 du 24 décembre 2014 relatif à la médiation et à la conciliation au Sénégal).
Les pouvoirs publics peuvent aussi dans leur règlementation prévoir le recours à un régulateur sectoriel. Dans les secteurs où les PPP se trouvent sous l’autorité d’un organisme de régulation indépendant, ce dernier peut être chargé de résoudre certains différends. Il s’agit d’une option relativement simple et peu onéreuse, mais comportant des risques pour l’entité privée, en particulier, en cas de doute sur l’indépendance du régulateur.
Le recours au système judiciaire étatique est également possible et dans ce cas, les litiges contractuels sur les PPP sont soumis à la juridiction des tribunaux, tout comme le sont en principe les contrats de PPP. Cependant, les parties aux PPP considèrent souvent que le système judiciaire n’est pas assez outillé pour résoudre ces litiges en raison de la lenteur de la procédure ou du manque d’expertise technique des juges. Aussi les mécanismes de résolution des différends dans le cadre de PPP évitent dans la mesure du possible d’avoir recours au système judiciaire.
L’arbitrage ad hoc peut être également usité comme mode alternatif de règlement des différends, en dehors de toute intervention d’un organisme institutionnalisé. Avec ce mode, les parties confient à un tiers, choisi par eux, la mission de trancher le différend et sur ce point, l’arbitrage peut revêtir plusieurs modalités car les parties peuvent avoir recours soit à un arbitre unique, soit à un panel d’experts, agissant en qualité d’arbitres (tribunal arbitral) en cas de litige.
Dans ces cas, la décision rendue par l’arbitre dénommée « sentence arbitrale » comparable à une décision de justice, a force obligatoire et s’impose aux parties. C’est le cas en Uruguay ou la loi relative aux contrats de PPP impose aux parties le choix d’un panel d’arbitrage ad hoc pour résoudre tous leurs différends nés de l’exécution du contrat.il est à noter que l’arbitrage peut être international et il est organisée dans le cadre d’une institution d’arbitrage permanente, telle que le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) qui fait partie du Groupe de la Banque mondiale ou encore le Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris .
Sur ce point, il est à noter que l’arbitrage, quel que soit sa forme, a un ancrage législatif solide au Sénégal avec le Traité portant harmonisation en Afrique du Droit des Affaires dans les États Parties (CF article 21 du Traité OHADA qui décrit les conditionnalités, requises pour la mise en œuvre de l’arbitrage, relatives à l’insertion dans le contrat soit d’une clause compromissoire, soit d’un compromis d’arbitrage).
Il est possible également de recourir à un panel d’experts indépendants, comme c’est le cas dans les concessions au Chili, avec des experts spécialisés dans la conciliation, panel composé de trois experts (un désigné par le gouvernement, un par l’entité privée, et un troisième choisi d’un commun accord par les parties) pour proposer une conciliation, soumise à l’accord des parties. Si les parties ne parviennent pas à un accord, l’entité privée peut alors demander à ce que le panel de conciliation devienne un panel d’arbitrage et rende une décision contraignante ou que le litige soit renvoyé au système judiciaire.
Un exemple assez intéressant est donné par le Bucarest, pour les contrats d’approvisionnement en eau, le panel d’expert dans ce domaine est notamment composé d’un régulateur économique et d’un régulateur technique faisant partie du gouvernement municipal.
L’Etat du Sénégal a fait le choix de préciser les mécanismes de résolution des différends directement dans sa législation relative aux PPP en instituant une procédure de conciliation auprès du Régulateur de la commande publique. De cette règle on peut en déduire que les stipulations contractuelles dans les contrats PPP, devront forcément porter sur les modes de résolution des différends entre les parties comme le prévoit l’article 30 du décret d’application de la loi 2021 sur les PPP qui cite au titre des clauses minimales dans un contrat PPP les modalités de prévention et de règlement des différends et les conditions dans lesquelles il peut, le cas échéant, être fait recours à l’arbitrage ou à d’autres modes alternatifs de règlement des différends.
La conciliation présente de nombreux avantages à savoir :
- la présence et l’implication des parties dans la résolution de leur différend ;
- la rapidité dans la résolution des conflits ;
- l’absence de coûts voire des coûts moindres et connus d’avance ;
- l’absence de remise en cause de la solution retenue et enfin ;
-une confidentialité de l’action contrairement à la justice rendue sur la place publique
Pour en revenir à la conciliation dans les PPP, son fondement textuel se trouve être l’article 52 de la loi sur les PPP qui dispose que tout différend qui se produit dans le cadre de l’exécution et de la résiliation du contrat sera, préalablement à tout recours contentieux, soumis à une tentative de règlement amiable à porter au CRD qui devra être saisi par la partie la plus diligente avant tout recours contentieux contrairement aux marchés publics ou la conciliation a un caractère facultatif car laissée à l’appréciation des parties.
Dans le cadre de l’exécution du contrat de PPP, en cas de différends entre les parties, la conciliation a un caractère obligatoire, ce qui constitue une innovation majeure par rapport à l’ancienne loi n° 2014-09 du 20 février 2014 qui, dans sa partie Règlement des différends pendant l’exécution du contrat de partenariat, rappelait en son article 37 la compétence des tribunaux judiciaires sénégalais ou des instances arbitrales, pour connaître de ce contentieux à défaut de règlement amiable.
Toutefois, la tentative de conciliation n’est pas obligatoire dans le cas où le différend a déjà fait l’objet d’une tentative de règlement amiable par l’expert indépendant désigné par les parties, auquel cas, ces dernières sont tenues d’en informer le CRD préalablement à toute instance arbitrale ou judiciaire.
Le CRD est saisie par la partie la plus diligente sans exigence procédurale particulière. Aussi bien la loi sur les PPP et le décret n’édifient les parties contractantes sur les modalités de saisine du CRD (mémoire, lettre avec accusé de réception, ni sur le contenu de la saisine etc.) l’information de l’autre partie, son obligation ou non de répondre favorablement à la demande de conciliation autrement dit, son accord préalable à la conciliation.
La réponse à ces questions ne se trouve pas dans les textes de référence caractérisés par leur caractère succinct comparé à l’article 138 du Code des Marchés publics qui, pour une conciliation facultative, a, par des règles assez exhaustives, décrit les modalités de saisine du CRD (138.4 et la procédure subséquente à suivre etc.).
Les pouvoirs du conciliateur, ni l’étendue de sa mission ne sont davantage précisés, ce qui peut être source de difficultés dans la mise en œuvre de ces dispositions face aux parties ayant parfois des intérêts divergents, ce qui constitue un risque juridique réel tiré de l’insuffisance de la règlementation sur ce point à charge pour le CRD en sa qualité de régulateur sectoriel d’édicter des lignes directrices claires sur ces points dans l’attente pour l’Autorité de la Commande Publique ( ARCOP) de pouvoir compléter la règlementation sur ces points , après analyse de l’application des textes sur les PPP, comme le lui permet l’article 30 nouveau du Code des Obligations de l’Administration porté par la loi n°2022-07 du 19 avril 2022 modifiant la loi n°65-51 du 19 juillet 1965
Sur la durée de la tentative de conciliation, il est à noter que la loi sur les PPP fait obligation au CRD de dérouler sa mission dans un délai raisonnable fixé par décret, à compter de la saisine. C’est ainsi que l’article 127 du décret d’application de la loi n° 2021-23 du 02 mars 2021 précise sur ce point que le CRD se prononce dans un délai qui ne peut excéder 180 jours calendaires (6 mois), délai qui nous semble raisonnable, compte tenu de la complexité du contrat PPP. Par contre, la règlementation sur les PPP ne donne pas expressément au CRD, en cas de difficultés techniques excédant ses compétences, la possibilité de recourir à des ressources humaines spécialisées provenant des autres services de l’administration sénégalaise ou à des experts indépendants ainsi que l’épineuse question de la charge du coût des émoluments de l’expert.
La lueur d’espoir est relative à l’expérience capitalisée par le CRD de l’ARMP sur toutes ces problématiques qui sans doute recevront les réponses appropriées le moment opportun.
En cas de conciliation réussie, il sera comme indiqué par le décret d’application dressé un procès-verbal de conciliation, signé par les parties et par les membres du CRD, immédiatement exécutoire. En cas d’échec de la tentative de conciliation le litige sera résolu soit par voie d’arbitrage, soit par voie judiciaire conformément aux stipulations contractuelles.
Henriette TALL DIOP
Coordonnatrice générale de la Cellule d’enquête et d’instruction des recours
CEIR / ARMP