DECISION N092
DECISION N° 092/12/ARMP/CRD DU 21 AOUT 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA SAISINE D’AGEROUTE DEMANDANT L’AUTORISATION DU CRD SUITE A L’AVIS DEFAVORABLE DE LA DCMP SUR LA PROPOSITION D’OUVRIR, AUX ENTREPRISES ETRANGERES, L’APPEL D’OFFRES PORTANT SUR LE MARCHE DE TRAVAUX DE CONSTRUCTION DE L’AUTOROUTE « DIAMNIADIO-AIBD ».
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration, modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre mémoire de AGEROUTE en date du 03 août 2012 ;
Après avoir entendu le rapport de M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, de MM Abd’El Kader N’DIAYE, Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Adopte la présente délibération fondée sur la recevabilité du recours ;
Par lettre datée du 03 août 2012, enregistrée le même jour sous le numéro 665/12 au Secrétariat du CRD, l’AGEROUTE a saisi le CRD d’une requête pour demander l’autorisation de poursuivre la procédure de passation suite à l’avis défavorable de la DCMP sur la proposition d’ouvrir aux entreprises étrangères, l’appel d’offres concernant les travaux de construction de l’autoroute « DIAMNIADIO- AIBD ».
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 22 du décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, le CRD statue sur les litiges entre les organes de l’Administration intervenant dans le cadre de la procédure de passation ou d’exécution des marchés publics et délégations de service public dont elle est saisie ;
Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 141.3 du décret 2011-1048 du 27 juillet 2011, que si l’autorité contractante n’acce pte pas les avis et recommandations qui, le cas échéant, auront été formulés par la DCMP concernant la possibilité d'utiliser une procédure autre que l'appel d'offres ouvert ou relatives à la proposition d'attribution du marché, elle ne peut poursuivre la procédure de passation qu'en saisissant le CRD ;
Considérant que par lettres respectives en date des 29 juin et 19 juillet 2012, l’AGEROUTE a saisi la DCMP d’une demande d’autorisation pour ouvrir à l’international, l’appel d’offres litigieux ;
Considérant qu’en réponse par lettre du 01 août 2012, la DCMP a déclaré qu’elle ne saurait donner une telle dérogation, sans outrepasser ses prérogatives et a conclu en demandant à l’AGEROUTE de se référer au CRD ;
Considérant que de ce fait, l’AGEROUTE a saisi le CRD par lettre en date du 03 août 2012, reçue le même jour ;
Considérant que la saisine du CRD, dans le cas d’espèce, n’est soumise à aucun délai, elle doit être déclarée recevable ;
LES FAITS
Dans le cadre du maillage autoroutier national, l’Etat du Sénégal avait initialement décidé de signer un avenant ave la société SENAC. SA, concessionnaire de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio pour la réalisation du tronçon Diamniadio-AIBD.
Fort des résultats encourageant obtenus, après l’appel d’offres sur les tronçons AIBD- MBOUR et AIBD-THIES dont les prix sont de l’ordre de 2,5 milliards de francs CFA au kilomètre, contre 7,2 milliards de F CFA pour le tracé DAKAR-DIAMNIADIO, le Gouvernement a finalement opté de recourir à un appel d’offres international, le financement desdits travaux étant assuré par le Budget consolidé d’Investissement.
Apres élaboration du dossier d’appel d’offres, l’AGEROUTE a saisi la DCMP, qui en retour, émis un avis défavorable.
Par lettre du 03 août 2012, l’AGEROUTE introduit une demande d’arbitrage devant le CRD pour être autorisée à poursuivre la procédure de passation du marché.
MOYENS FOURNIS A L’APPUI DE LA SAISINE
A l’appui de sa demande, l’AGEROUTE a déclaré que pour faire jouer le principe d’économie tout en préservant les possibilités d’accès aux entreprises locales, elle a prévu de lancer un appel d’offres international ouvert à la condition que les entreprises non communautaires soient en groupement avec des entreprises communautaires ou des entreprises issues d’Etats appliquant le principe de réciprocité.
Compte tenu de l’envergure du projet, cette option de mise en place de groupements d’entreprises favorise le transfert de technologie et assure parallèlement, un niveau suffisant de participation à l’échelle nationale.
En outre, l’autorité contractante soutient que l’objectif qui avait été visé d’assurer une large concurrence pour faire jouer les principes d’économie, de transparence et d’efficacité avait permis d’obtenir les meilleurs coûts lors du lancement de l’appel d’offres relatif au prolongement de l’autoroute sur les sections AIBD-MBOUR et AIBD- THIES et permis à l’Etat de réaliser une économie substantielle de 27 milliards de francs CFA.
Selon AGEROUTE, le même principe peut être appliqué à l’appel d’offres litigieux, surtout qu’il s’agit des mêmes types de travaux et de la même source de financement.
En conclusion, l’AGEROUTE sollicite l’arbitrage du CRD, relativement au refus de la DCMP d’élargir la concurrence aux entreprises étrangères.
MOTIFS DONNES PAR LA DCMP AU SOUTIEN DE SA DECISION DE REJET
En réponse à la demande d’autorisation de l’AGEROUTE d’ouvrir, aux entreprises étrangères, l’appel d’offres visé en objet, la DCMP a réitéré la nécessité de respecter les dispositions de l’article 52 du Code des marchés publics au motif qu’en l’état actuel de la réglementation sur les marchés publics, il n’est pas autorisé la participation des entreprises étrangères aux marchés dont le financement est assuré par le budget national.
Toutefois, elle a suggéré à l’AGEROUTE de saisir le CRD sur la question, conformément à la décision n° 008/12/ARMP/CRD du 03 avril 2012 qu’il a rendue.
L’OBJET DU LITIGE
Il résulte de ce qui précède que la présente requête porte sur la possibilité d’élargir, aux entreprises non communautaires, l’appel d’offres litigieux, dont le financement est assuré par le budget national.
EXAMEN DU LITIGE
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 52 du Code des marchés publics, la participation aux appels à la concurrence et aux marchés de prestations et fournitures par entente directe dont le financement est prévu sur le budget national est réservée aux entreprises sénégalaises et communautaires sauf lorsque l’appel d’offres concerné ne peut être satisfait par les entreprises susvisées, auquel cas, l’accès
auxdits marchés est autorisé aux groupements réunissant les entreprises communautaires et non communautaires ;
Considérant qu’il ressort des arguments avancés par l’AGEROUTE, que fort des coûts intéressants obtenus par le passé, après appel d’offres sur les tronçons AIBD-MBOUR et AIBD-THIES, il serait plus avantageux de lancer un appel d’offres international
ouvert, à la condition que les entreprises étrangères soient en groupement avec des entreprises communautaires , d’autant plus qu’il s’agit des mêmes types de travaux ;Considérant que pour justifier cette intention d’ouverture dudit marché aux entreprises hors UEMOA, l’AGEROUTE déclare vouloir faire jouer le principe d’économie tout en permettant à l’entreprenariat local d’en tirer des dividendes ;
Considérant qu’en tout état de cause, l’autorisation tendant à ouvrir les marchés financés sur budget national, ne pourra être délivrée par le CRD qu’en cas de groupement entre les entreprises étrangères et communautaires, pour susciter un transfert de capacités au profit des entreprises communautaires ;
Considérant que pour permettre aux entreprises communautaires de profiter des effets induits par la participation des entreprises étrangères sous forme de groupement, l’AGEROUTE devra prévoir en sus des critères de qualification énoncés dans le dossier d’appel d’offres, une marge de préférence au profit des entreprises communautaires, à condition que leur offre ne soit pas supérieure de plus de quinze (15) pour cent à celle du moins disant , conformément aux dispositions de l’article 50 du Code des marchés publics ;
Considérant que relativement à la politique suivi par l’Etat pour atteindre les objectifs de promotion de l’entreprenariat local, l’autorité contractante devra donc, pour une bonne application de la marge de préférence, graduer le taux de quinze (15) pour cent, en fonction du niveau de participation de l’entreprise communautaire dans la mise en œuvre des travaux ;
Qu’ainsi, à titre d’exemple, un groupement dans lequel l’entreprise communautaire participe à hauteur de vingt cinq (25) pour cent des travaux doit pouvoir bénéficier d’un taux de préférence moins élevé qu’un autre groupement pour lequel l’entreprise communautaire intervient à quarante (40) pour cent dans l’exécution desdits travaux ;
Que si lesdites conditions sont remplies et clairement exprimées dans le dossier d’appel d’offres, sous le contrôle de la DCMP, le CRD n’a pas d’objection à l’ouverture de l’appel d’offres susvisé aux entreprises étrangères ;
PAR CES MOTIFS :
1) Déclare recevable la saisine d’AGEROUTE ;
2) Dit que l’ouverture à la compétition aux entreprises étrangères, pour les marchés financés par les ressources nationales, est soumise à des conditions préalables ; toutefois,
3) Dit que compte tenu des avantages économiques tirés par l’Etat pour ce type de prestations, autorise l’AGEROUTE à ouvrir la compétition aux entreprises étrangères sous forme de groupement avec les entreprises communautaires ; à cet effet,
4) Dit qu’il devra être clairement indiqué dans le DAO, les modalités d’application de la marge de préférence d’un taux maximum de quinze (15) pour cent, au profit des groupements, en fonction du niveau de participation de l’entreprise communautaire dans la mise en œuvre des travaux ;
5) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier à l’AGEROUTE et à la DCMP, le présent avis qui sera publié.
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres du CRD
Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saër NIANG
AUTRES DECISIONS