DECISION N088
DECISION N° 088/12/ARMP/CRD DU 01 AOUT 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFRENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA DEMANDE D’ARBITRAGE DU MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE A LA SUITE DE L’AVIS DEFAVORABLE DE LA DIRECTION CENTRALE DES MARCHES PUBLICS (DCMP) SUR LE RAPPORT D’EVALUATION DES OFFRES ET RECOMMANDATION POUR L’ATTRIBUTION DU MARCHE DE CONSTRUCTION DE CINQ (5) COLLEGES FRANCO ARABE POUR NON RESPECT DU DELAI DE PREPARATION ET D’EVALUATION DES OFFRES DES CANDIDATS.
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration, modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre n° 433/MEN/SG/DCS/MND/mt en date du 12 juillet 2012 du Ministère de l’Education nationale, reçue le 13 juillet 2012, puis enregistrée le 16 juillet 2012 sous le numéro 605/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
Après avoir entendu M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties,
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, de MM. Abd’El Kader NDIAYE et Ndiacé DIOP, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. René Pascal DIOUF, Coordonateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité du recours :
Par lettre n° 433/MEN/SG/DCS/MND/mt en date du 12 juillet 2012, reçue le 13 juillet 2012, puis enregistrée le 16 juillet 2012 sous le numéro 605/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD), le Ministère de l’Education nationale a saisi le CRD pour être autorisé à poursuivre la procédure de passation du marché de construction de cinq (5) collèges franco-arabes dans les régions de Kaolack et Diourbel,
suite à l’avis défavorable de la DCMP.
A l’appui de sa demande, le requérant a produit copie des documents suivants :
• L’avis de publication de l’appel d’offres,
• Le procès verbal d’ouverture des plis,
• Le rapport d’évaluation des offres,
• Le procès verbal d’attribution,
• La lettre du Ministère de l’Education nationale n° 00175/MEN/SG/CPM du 19 juin 2012,
• La lettre de la DCMP n° 002648/MEF/DCMP/46 du 26 juin 2012,
• La lettre du Ministère de l’Education nationale n° 0396/MEN/DCS/BM du 03 juillet 2012,
• La lettre de la DCMP n° 2857/MEF/DCMP/ 9 du 10 juillet 2012 ;
SUR LA RECEVABILITE
Considérant que le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, en son article 22, donne compétence au CRD pour statuer sur les recours relatifs aux litiges opposant les organes de l’Administration intervenant dans le cadre de la procédure de passation ou d’exécution des marchés publics et délégations de service public ;
Considérant que la DCMP a, par lettre du 10 juillet 2012, émis un avis défavorable à la proposition d’attribution du marché.
Considérant que le Ministère de l’Education nationale a saisi, par lettre du 12 juillet 2012, reçue le lendemain, le CRD sur le fondement des dispositions de l’article 141.3 du Code des Marchés publics, sollicitant son autorisation pour poursuivre la procédure de passation du marché susnommé, suite à l’avis défavorable de la DCMP ;
Considérant que ledit recours a été introduit dans les délais, il doit être déclaré recevable.
LES FAITS
En vue de la réalisation d’infrastructures scolaires dans le cadre du Budget consolidé d’Investissement de 2012, il est prévu la construction de cinq collèges franco arabes dans les régions de Kaolack et Diourbel.
Dans ce cadre, la Direction des Constructions scolaires (DCS) a publié dans le journal quotidien « Le Soleil » du 11 avril 2012, un appel d’offres portant sur le marché susnommé, puis, a saisi la DCMP pour se prononcer sur le rapport d’évaluation des offres et la recommandation d’attribution du marché.
En réponse, par lettre du 10 juillet 2012, la DCMP a donné un avis défavorable.
Le Ministère de l’Education nationale a saisi le CRD pour solliciter son arbitrage.
LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS
A l’appui de sa demande, le Ministère de l’Education nationale déclare que le délai de préparation des offres du marché susnommé est de trente (30) jours, le 30ème jour correspondant, selon lui, à la date d’ouverture des plis à compter de la date de publication de l’avis d’appel d’offres.
Ensuite, le journal « Le Soleil » a tardé à publier l’avis d’appel d’offres envoyé par lettre, puis par courrier électronique en date du 07 avril 2012.
Sur le motif résultant du dépassement du délai de quinze (15) jours admis pour l’évaluation des offres, l’autorité contractante soutient que par lettre du 03 juillet 2012, elle a fait savoir à l’organe chargé du contrôle a priori, que le retard observé par la commission des marchés est dû, d’une part, à la reprise du procès verbal d’attribution à la suite d’une erreur matérielle, d’autre part, à l’évaluation d’un autre appel d’offres à la
même période.
Toutefois, elle poursuit en indiquant que le Ministère de l’Education nationale s’engage à prendre les dispositions nécessaires à l’avenir, pour que pareil dérapage sur le délai ne puisse se reproduire.
En conclusion, elle affirme que compte tenu de l’importance du projet qui comprend cinq collèges franco arabe dans les régions de Kaolack et Diourbel, où le taux de scolarisation demeure parmi les plus faibles, il serait dommage d’envisager une relance de l’appel d’offres pour lesdites infrastructures qui sont fortement attendues par les
populations.
Par conséquent, une autorisation de poursuivre la procédure, à titre exceptionnel, est sollicitée du CRD.
LES MOTIFS DONNES PAR LA DCMP
A l’appui de sa décision de rejet, la DCMP soutient que l’appel d’offres a été publié le 11 avril 2012 et que la remise des plis a eu lieu le 10 mai 2012.
De ce fait, les candidats ont disposé de vingt neuf (29) jours calendaires pour la préparation de leur offre, en lieu et place du délai minimal de trente (30) jours, exigé à l’article 63.2 du Code des marchés publics.
Par ailleurs, l’avis d’appel d’offres n’a pas été publié sur le portail officiel des marchés publics, conformément aux dispositions de l’article 56.3 du Code des marchés publics
Ensuite, il s’est écoulé un délai plus de quinze (15) jours entre l’ouverture des plis et l’attribution provisoire du marché, en violation des dispositions de l’article 70 du Code des marchés publics.
C’est pourquoi elle ne peut donner un avis favorable sur le dossier qui lui a été soumis.
L’OBJET DU LITIGE :
Il résulte de ce qui précède que le présent recours porte sur le non respect par l’autorité contractante, d’une part, des exigences de publication des avis d’appel à la concurrence, d’autre part, des délais d’évaluation des offres du marché litigieux.
AU FOND
1) Sur le non respect par l’autorité contractante, des exigences de publication des avis d’appel à la concurrence :
Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 63.2 du Code des marchés publics, dans les procédures d'appels d'offres ouverts, avec ou sans qualification, ou d'appels d'offres restreints, le délai minimal de dépôt des offres ou des candidatures est de 30 jours calendaires à compter de la date de publication de l'avis d'appel à la concurrence, dans le cas d'appels d'offres nationaux ;
Considérant qu’en publiant à la date du 11 avril 2012 l’avis d’appel d’offres du marché litigieux, annonçant au 10 mai 2012 la date d’ouverture des plis, l’autorité contractante n’a pas computé régulièrement les délais ;
Considérant que la détermination des délais des procédures pour la publication des avis est fondée sur les quatre principes majeurs suivants :
1. il faut un point de départ qui est la date de publication effective de l’avis ;
2. les délais doivent être des délais minimaux pour permettre aux candidats d’avoir le temps nécessaire pour étudier le dossier et formuler leur offre ;
3. les délais sont exprimés en jours calendaires, le premier jour (date de parution de l’avis) et le dernier jour (date limite de remise des plis) n’étant pas comprise dans le calcul du délai qui doit être égal à autant de fois 24 heures, jours fériés inclus, qu’il y a de jours à respecter ; et enfin
4. au cas où la date de remise des plis coïncide avec un jour férié ou non ouvré, le délai devra être allongé au premier jour ouvrable qui suit ;
Qu’à cet égard, en procédant à l’ouverture des plis le 10 mai 2012 à 10 heures 30 minutes, le Ministère de l’Education nationale ne s’est pas conformé aux dispositions de l’article 63 du Code des Marchés publics qui exige l’observation d’un délai minimal de dépôt des offres ou des candidatures de trente (30) jours ;
Considérant, d’autre part, qu’il est constant que le Ministère de l’Education n’a pas respecté les exigences des dispositions de l’article 56.3 du Code des marchés publics, qui prévoient que les avis généraux de passation des marchés et les avis d'appel public à la concurrence doivent être publiés également sur le portail officiel des marchés publics;
Considérant que s’il n’est pas contesté que le Ministère de l’Education a commis une irrégularité qui ne résulte pas d’une absence de publicité, mais d’une insuffisance liée à une exigence complémentaire dont l’objectif est de toucher le maximum de candidats ;
Considérant qu’à cet égard, il peut être admis que cet objectif a été atteint dans la mesure où l’ouverture des plis du marché litigieux a néanmoins enregistré la participation de douze (12) entreprises, dont neuf d’entre elles pour le lot 1, huit pour les lots 2,4,5 et onze pour le lot 3, ce qui semble constituer un gage de respect des principes fondamentaux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures énoncés à l’article 24 du Code des obligations de l’Administration modifié ;
2) Sur le non respect par la commission des marchés, des délais d’évaluation des offres :
Considérant que selon l’article 70 du Code des marchés publics, la commission des marchés propose à l'autorité contractante, dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la séance d’ouverture des plis, l'attribution du marché au candidat qui a proposé l’offre conforme évaluée la moins disante et qui est reconnu réunir les critères de qualification mentionnés dans le dossier d'appel à la concurrence, sous réserve d’une prorogation dans la limite maximale de dix (10) jours, sur demande motivée de l’autorité contractante adressée à la DCMP ;
Considérant qu’en l’espèce, l’autorité contractante a reconnu implicitement n’avoir pas demandé une prorogation à l’issue des quinze jours d’évaluation, alors qu’il avait la possibilité de le faire ;
Que toutefois, l’inobservation de cette exigence n’est pas sanctionnée par une nullité
Considérant que par ailleurs, le projet revêt une importance particulière pour les régions de Kaolack et Diourbel où il a été enregistré les taux de scolarisation les plus faibles au niveau national, l’annulation de la procédure risque de compromettre les efforts actuels
des autorités tendant à combler le déficit en matière d’infrastructures scolaires sans compter la perte des crédits à laquelle est exposée l’autorité contractante en considération de la règlementation régissant les reports de crédits sur le budget consolidé d’investissement ;
Qu’il y a lieu, par conséquent, d’autoriser la DCMP à se prononcer sur le rapport d’évaluation des offres et la recommandation d’attribution du marché litigieux ;
PAR CES MOTIFS :
1) Constate que l’évaluation des offres a été bouclée au-delà des quinze jours exigés par l’article 70 du Code des marchés publics, sans autorisation de la DCMP ; à cet égard,
2) Dit que l’inobservation de cette exigence n’est pas sanctionnée par une nullité
3) Constate qu’il y a un décalage d’un jour entre le délai minimal exigé par l’article 63.2 du Code des marchés publics et celui octroyé par le Ministère de l’Education nationale dans le cadre de l’appel d’offres du marché litigieux ;
4) Constate que l’appel d’offres susvisé n’a pas été publié sur le portail officiel des marchés publics, en violation des dispositions de l’article 56.3 du Code des marchés publics ;,
5) Dit que la DCMP a émis, à bon droit, ses réserves sur l’application des règles de publicité ;
6) Constate toutefois une participation satisfaisante des soumissionnaires sur les cinq lots du marché, ce qui constitue un gage relativement au respect des principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats énoncés à l’article 24 du Code des obligations de l’Administration modifié ;
7) Dit que la relance de l’appel d’offres litigieux risque de compromettre les efforts de l’Etat tendant à combler le déficit en matière d’infrastructures scolaires auquel sont confrontées les régions de Diourbel et Kaolack qui ont les taux de scolarisation les plus faibles au niveau national, sans compter le risque de perte des crédits ;
8) Ordonne, par conséquent, la poursuite de la procédure ;
9) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier au Ministère de l’Education nationale et à la DCMP la présente décision qui sera publiée.
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres du CRD
Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saër Niang
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