DECISION N° 15/12/ARMP/CRD DU 23 JANVIER 2012
DECISION N° 15/12/ARMP/CRD DU 23 JANVIER 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR DENONCIATION DE LA SOCIETE BALIS PLUS CONTESTANT LE REJET DE SON OFFRE CONCERNANT LA DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS ET DES PRIX DU CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES EDUCATIONNELLES (CNRE) AYANT POUR OBJET LA GESTION DE SON RESTAURANT LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, notamment en son article 30 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics modifié, notamment en ses articles 86, 87 et 88 ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu les lettres de Balis Services Plus en date des 4 et 5 janvier 2012;
Après avoir entendu le rapport de M. René Pascal DIOUF, Chargé des enquêtes, rapporteur, présentant la requête du demandeur ;
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, assisté de MM. Abd El Kader NDIAYE, Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des Différends,
De MM. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, Ely Manel FALL, Chef de la division réglementation, Direction de la Réglementation et des Affaires juridiques, et Ababacar DIOUF, Chargé des enquêtes sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et moyens exposés ci après :
Par lettres des 4 et 5 janvier 2012, enregistrées les mêmes jours sous les numéros 031et 032 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends, la gérante de la société Balis Services Plus a saisi le CRD d’une dénonciation en contestation de l’attribution provisoire du marché précité.
LES FAITS
Par lettres du 12 décembre 2011, la Directrice du CNRE a envoyé une demande de renseignements et des prix aux entreprises suivantes :- GIE MACARON,
- BALIS SERVICES PLUS,
- GIE ZEIN SERVICES,
- CHEZ ABSA,
- KIKI TRAITEUR.
A l’ouverture des plis et après dépouillement, le 02 janvier 2012, après report de la date initiale prévue le 29 décembre 2011 dans les lettres d’invitation, la commission interne du CNRE a proposé le GIE MACARON MULTI SERVICES comme attributaire pour avoir proposé l’offre conforme évaluée la moins disante, au regard des prix de 1500 et 2000 francs CFA pour la pause café et la pause déjeuner.
Après attribution du marché, le CNRE a, par lettre n° 05/MEEMSLN/SG/CNRE/DIR/add du 04 janvier 2012, notifié à Balis Services Plus le rejet de son offre.
Le même jour, Balis Services Plus a saisi le CRD d’une dénonciation pour contester la régularité de la procédure de passation du marché.
SUR LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS
A l’appui de sa dénonciation, la gérante de Balis Services Plus renseigne qu’au jour prévu dans la lettre d’invitation, le 29 décembre 2011, elle s’est rendue, en vain, dans les locaux du CNRE pour assister à l’ouverture des plis, et que ce n’est que le lendemain qu’elle a été informée du report de la date limite de réception des offres, après qu’elle eut reçu une lettre l’en informant.
Sur le fond, le requérant après avoir renseigné que la commission de dépouillement était composée de MM. Abdoul Aziz Mbodj, Alioune Guèye et ISSA Mboup du CNRE d’une part, et de M. Mamadou Fall, représentant le ministère de tutelle d’autre part, se demande si les services du ministère ne devraient pas être plus représentés, eu égard au fait que le CNRE est un service rattaché au cabinet.
Par ailleurs, au regard de la disparité des prix proposés par les candidats qui varient de 7000 à 3500 FCFA TTC, il se pose la question de savoir si le gestionnaire du restaurant facturera au CNRE qui, à son tour, le fera pour les clients, ou directement aux clients.
Enfin, en raison du montant des recettes générées par la restauration au cours de l’année 2011, il se demande si le CNRE n’aurait pas du passer un marché par appel d’offres.
Toutefois, dans sa seconde lettre du 05 janvier 2012 rédigée après réception de la lettre du CNRE l’informant du rejet de son offre, Balis Services Plus a ramené ses arguments à deux en se demandant, d’une part, si le cabinet du ministère ne devait pas superviser la commission interne des marchés et, d’autre part, si les membres de la commission avaient la qualité de fonctionnaires les habilitant « à superviser une commission d’ouverture des plis ».
SUR LES MOTIFS DONNES PAR LE CNRE
En réponse au recours, le CNRE renseigne qu’il est un « extrant du Projet d’Appui au Plan d’Action de lutte contre l’Analphabétisme au Sénégal (PAPA) financé par la coopération canadienne », et qu’il a pour mission principale de mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre des activités d’éducation non formelle et de promotion des langues nationales.
A cet égard, en plus des ressources budgétaires mises à disposition par l’Etat du Sénégal, des stratégies sont développées pour mobiliser des fonds additionnels à Travers le partenariat et la fonction service par le biais de séminaires et d’ateliers organisés par les structures publiques et privées.
C’est dans ce cadre que le CNRE a décidé d’externaliser la gestion du restaurant qui a été confiée en 2010 et 2011 à Balis Service Plus après mise en concurrence et dépouillement des offres par la commission interne des marchés composée exclusivement de ses agents, contrairement à cette année puisqu’il leur a été adjoint un spécialiste en passation des marchés de la Direction de l’Administration Générale et de l’Equipement du ministère, en qualité d’observateur.
Ces précisions liminaires faites, le CNRE, sur la question de savoir si le ministère ne doit pas superviser la commission des marchés, argue que, indépendamment de la commission des marchés du ministère de l’Enseignement Elémentaire, du Moyen Secondaire et des Langues Nationales qui est compétente pour tous les appels à la concurrence, chaque direction et service est tenu de désigner une commission interne des marchés chargée de l’ouverture, de l’analyse et de la désignation de l’attributaire provisoire pour les marchés passés par demandes de renseignements et des prix.
Il en conclut que la commission interne des marchés créée par décision n°991/MEEMSLN/SG/CNRE/DIR/add est seule habilitée à ouvrir, évaluer et proposer l’attributaire.
Sur la seconde question relative à la qualité de fonctionnaires des membres de la commission, le CNRE renseigne que ce sont bien des fonctionnaires affectés ou recrutés et que la commission est composée de membres titulaires et de suppléants, en sus du président.
L’OBJET DU LITIGE
Il résulte des faits, motifs et constatations faites par les parties que le litige porte sur la régularité de la commission interne des marchés mise en place par le CNRE et la validité de ses délibérations.
AU FOND
Considérant que l’article 35 du Code des Marchés Publics prévoit qu’au niveau de chaque autorité contractante, (est) mise en place une commission des marchés chargée de l’ouverture des plis, de l’évaluation des offres et de l’attribution provisoire des marchés… ;
Que l’article36 du CMP précise que les commissions sont composées de représentants de l’autorité contractante dont le nombre et les conditions de désignation sont déterminées pour chaque catégorie d’autorité contractante, par arrêté du Ministre chargé des Finances après avis de l’Organe chargé de la régulation des marchés publics, ainsi que des représentants des autres administrations et organismes concernés mentionnés à l’article 37 ;
Considérant que l’article 2 de l’arrêté n°011588 du 28 décembre 2007 fixant le nombre et les conditions de désignation des membres des commissions des marchés des autorités contractantes dispose que pour l’Etat, le nombre de représentants de l’autorité contractante est de trois (3) dont le président et le responsable du service maître d’œuvre ou son représentant ;
Considérant par ailleurs que l’article 2 du Code des marchés publics énumère les autorités contractantes à qui il s’applique ;
Considérant qu’il résulte des pièces et renseignements fournis par le CNRE qu’il est un service qui a été d’abord rattaché au cabinet du Ministère de la Culture, du Patrimoine historique classé, des Langues nationales et de la Francophonie suivant décret n° 2008-832 du 31 juillet 2008, puis au cabi net du Ministère de l’Enseignement élémentaire, du Moyen Secondaire et des Langues Nationales ;
Que n’étant pas ainsi une personne morale de droit public, le CNRE ne peut revendiquer la qualité d’autorité contractante au sens de l’article du CMP précité et ne saurait non plus mettre en place une commission des marchés propre, sous réserve des précisions subséquentes;
Considérant qu’au regard des dispositions précitées, l’assertion du CNRE selon laquelle chaque direction et service est tenu de désigner une commission interne des marchés chargée de l’ouverture, de l’analyse et de la désignation de l’attributaire provisoire pour les marchés passés par demandes de renseignements et des prix doit être rejetée ;
Qu’en effet, l’article 35 du CMP ne fait pas de distinction entre les marchés passés par appel d’offres qui relèveraient de la commission des marchés du Ministère et ceux passés par demande de renseignements et des prix qui seraient de la compétence de la commission interne (concept non repris dans le CMP) mise en place au sein des directions ou services ;
Que pour rappel, la seule limite à la compétence exclusive de la commission des marchés des ministères et la seule possibilité donnée aux services ou organismes rattachés de mettre en place une commission interne, ont été énoncées dans l’avis n° 009 /11/ARMP/CRD du 17 juin 2011 ; Que selon cet avis, pour les marchés relatifs à des prestations prévues par l’arrêté n°011585 du 28 décembre 2007 du Ministre de l’Econo mie et des Finances, qui se singularisent par la modicité de leur montant (inférieur à 5 millions TTC pour les travaux et prestations intellectuelles, et à 3 millions pour les services), le rigorisme allégé de la procédure et l’absence d’écrit (règlements sur factures et mémoires), il ne paraît pas judicieux de réunir la commission des marchés du Ministère, et une commission interne des marchés peut lui être substituée sur habilitation de l’autorité compétente ;
Qu’au regard des dispositions précitées, le CNRE n’est pas une autorité contractante et ne peut disposer de sa propre commission des marchés ;
Qu’il s’ensuit que la commission des marchés créée par décision n°991/MEEMSLN/SG/CNRE/DIR/add est irrégulière et que ses délibérations sont frappées de nullité ;
Qu’en conséquence, il y a lieu d’annuler l’attribution provisoire du marché et d’ordonner la reprise de la procédure de passation du marché dont le mode sera fonction du montant des ressources précédemment générées par le restaurant du CNRE, conformément aux dispositions du Code des Marchés Publics et de ses textes d’application; en conséquence,
DECIDE
1) Constate que le CNRE est un service rattaché au cabinet du Ministère de l’Enseignement élémentaire, du Moyen Secondaire et des Langues Nationales ;
2) Dit que le CNRE n’est pas une autorité contractante et ne peut disposer de sa propre commission des marchés ;
3) Dit que le Code des Marchés Publics ne fait pas de distinction entre les marchés passés par appel d’offres et ceux passés par demandes de renseignements et des prix, en ce qui concerne la compétence de la commission des marchés ;
4) rappelle que l’avis n°09/11/ARMP/CRD du 17 juin 2011 indique les conditions de mise en place des commissions internes au sein des services ou organismes rattachés aux ministères ;
5) Dit que la commission interne des marchés mise en place par le CNRE est irrégulière et que ses délibérations sont frappées de nullité ;
6) Annule l’attribution provisoire du marché et ordonne la reprise de la procédure de passation du marché conformément aux dispositions du Code des Marchés Publics et de ses textes d’application ;
7) Dit que le Directeur Général de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics est chargé denotifier à Balis Service Plus, au CNRE et à la DCMP, la présente décision qui sera publiée.
Le Comité de Règlement des Différends (CRD)
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres
Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME
Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saer Niang
AUTRES DECISIONS