AVIS DU CRD N°011 DU 1ER AOUT 2012
DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA SAISINE DU CENTRE NATIONAL HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE FANN CONCERNANT L’EXECUTION ANTICIPEE DE PRESTATIONS PAR L’ENTREPRISE KISAKALA DANS LE CADRE DE LA PASSATION DU MARCHE DE CLIENTELE RELATIF A LA RESTAURATION DU PERSONNEL DE GARDE ET DES PENSIONNAIRES DUDIT HOPITAL
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, notamment en son article 30;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics, notamment en ses articles 88, 89 et 90 ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre n° 00921/MSAS/CHNUF/Dir./SAF du 17 juillet 2012 ;
Après avoir entendu le rapport de M. René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’Enquêtes et d’Inspection, rapporteur, présentant la requête du demandeur ;
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, assisté de MM. Abd El Kader NDIAYE, Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des Différends,
De MM. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et moyens exposés ci après :
Par lettre du 17 juillet 2012, enregistrée le même jour au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends sous le numéro 612, le Directeur du Centre National Hospitalier Universitaire de Fann (CNHU) a saisi le CRD d’une demande d’avis relative à la suite à donner à un « marché » de restauration que l’hôpital avait lancé.
A l’appui de sa demande, le Directeur expose que, aux fins d’améliorer la qualité des repas des malades et des pensionnaires de garde, « l’ancienne Direction » avait décidé d’externaliser la restauration gérée naguère en régie.
A cet effet, un dossier d’appel d’offres a été élaboré et un avis d’appel d’offres publié dans le journal « Le Soleil » du 14 février 2012.
Ainsi, après ouverture des plis, évaluation des offres et suivant procès-verbal du 05 avril 2012, l’entreprise KISAKALA a été déclarée attributaire provisoire du marché et, subséquemment, un avis d’attribution provisoire a été publié dans le même journal, le 22 mai 2012.
Toutefois, à compter du 02 avril 2012, donc avant signature du contrat, l’entreprise a commencé à livrer des repas aux malades et au personnel de garde, pour un montant total de 134 998 831 FCFA, au 30 juin 2012.
Par la suite, eu égard au fait que l’offre de l’attributaire provisoire (384 607 548 FCFA TTC) dépasse le montant estimé du marché (285 000 000 FCFA HTVA) et l’enveloppe budgétaire (336 300 000 FCFA), par lettre en date du 6 juillet 2012, le Directeur du CNHU a demandé à la Direction Centrale des Marchés Publics (DCMP) l’autorisation de classer le marché sans suite.
Au vu de la réponse positive de la DCMP, en date du 12 juillet 2012, le Directeur de l’hôpital, au regard de l’exécution anticipée des prestations par KISAKALA, celles-ci ayant fait l’objet de procès-verbal de réception régulier, demande si l’entreprise doit subir les conséquences de l’irrégularité liée à l’absence de contrat ou si elle est fondée à réclamer la contrepartie financière de ses prestations.
L’OBJET DE LA DEMANDE :
Il résulte de la saisine et des faits qui la soutiennent que la demande d’avis porte sur la possibilité pour KISAKALA de recevoir paiement des prestations exécutées avant signature d’un contrat avec le CNHU.
EXAMEN DE LA DEMANDE
Considérant que l’article 45 du COA dispose qu’en cas de défaut de conclusion ou d’approbation du contrat, même en l’absence de faute, le titulaire du marché peut obtenir une indemnité si les prestations ont été fournies avec l’assentiment de l’Administration et lui ont profité ;
Considérant que cette règle est une consécration législative de la jurisprudence du juge administratif en ce qui concerne la responsabi lité de l’Administration sur le fondement de l’enrichissement sans cause ;
Qu’il résulte de cette disposition que deux conditions doivent, toutefois, être réunies en matière de responsabilité quasi contractuelle pour que le « pseudo contractant » soit recevable à être indemnisé : l’assentiment de l’autorité contractante et l’utilité des prestations pour elle ;
Considérant qu’à cet égard, en réceptionnant les prestations, le CHNU a marqué son assentiment et a profité des prestations qui lui ont permis pendant des mois de nourrir les malades et les pensionnaires de garde ;
Considérant que, par ailleurs, sur le terrain quasi-contractuel, la référence pour calculer l’indemnisation du « cocontractant » ( et non le prix à lui payer) est l’évolution du patrimoine de l’enrichi (ici le CNHU), bien plus que l’ensemble des dépenses engagées par l’appauvri (KISAKALA) pour accomplir cet enrichissement, cette limitation traduisant une forme de sanction envers l’appauvri pour avoir manqué aux règles économiques élémentaires, celui-ci ne pouvant réclamer une indemnité pour la non réalisation des bénéfices espérés ;
Qu’il résulte de cette règle ci-dessus rappelée que l’indemnité à recevoir par KISAKALA devrait être fixée d’accord parties, en tenant compte des possibilités de l’hôpital, de l’imprudence dont elle a fait montre, de l’enrichissement de l’hôpital, ou, à défaut d’accord, par le juge compétent ;
PAR CES MOTIFS
EMET L’AVIS QUI SUIT :
1) Dit qu’en vertu de l’article 45 du COA, KISAKALA peut recevoir une indemnité ;
2) Constate que les prestations ont été faites avec l’assentiment du CNHU et lui ont profité;
3) Dit que dans la fixation de l’indemnité en principe due à KISAKALA, la référence est l’évolution du patrimoine du CNHU;
4) Dit que l’indemnisation de KISAKALA devrait être fixée d’accord parties en tenant compte des possibilités du CNHU, de l’imprudence dont l’entreprise a fait montre ou, à défaut, par la juridiction compétente;
5) Dit que le Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics est chargé de notifier au Centre National Hospitalier Universitaire de Fann et à DCMP, le présent avis qui sera publié.
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres du CRD
Abd’El Kader NDIAYE
Mamadou DEME
Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saër NIANG