DECISION N130
DECISION N° 130/12/ARMP/CRD DU 30 OCTOBRE 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN
COMMISSION LITIGES SUR LE RECOURS DE LA COMPAGNIE DE COMMERCE ET DE SERVICES (CCS) CONCERNANT LA PROCEDURE DE PASSATION DU MARCHE DU PORT AUTONOME DE DAKAR (PAD) AYANT POUR OBJET LE NETTOIEMENT DU PLAN D’EAU
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu le recours de la Compagnie de Commerce et de Services (CCS) du 1er octobre 2012, enregistré le lendemain au bureau du courrier sous le numéro 2799 et le 08 octobre 2012 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD) sous le numéro 878;
Monsieur René Pascal DIOUF entendu en son rapport ;
En présence de Monsieur Mamadou DEME assurant l’intérim de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président empêché, de MM Abd’El Kader N’DIAYE, Ndiacé DIOP, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD);
De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. Cheikh Saad Bou SAMB, Directeur des Affaires Juridiques et de la
Réglementation, René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, Ely Manel FALL, Chef de la Division de la Règlementation, observateurs;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Adopte la présente délibération;
Par lettre en date du 1er octobre 2012, C.C.S a saisi le CRD en contestation de l’attribution provisoire à l’entreprise « Centre de la Mer » du marché ayant pour objet le nettoiement du plan d’eau du PAD.
LES FAITS
Dans le journal « Le Soleil » du 11 juillet 2012, le PAD a fait publier un avis d’appel d’offres ayant pour objet le nettoiement de son plan d’eau.
A l’ouverture des plis du 16 août 2012, les offres suivantes ont été enregistrées :
- CDLM : 12 508 000 FCFA TTC et 9 971 000 FCFA TTC pour la variante proposée ;
- CCS ENV : 6 500 000 FCFA HTVA/Mois et 5 250 000 FCFA pour la variante proposée;
- TTSM: 67 673 000 FCFA TTC et 62 422 000 TTC pour la variante ;
- ECO-MAR: 67 673 000 FCFA TTC/mois et 271 400 000 FCFA TTC/An;
- SAWA PETR: 8 230 000 FCFA HT/Mois.
Après évaluation, le marché a été, provisoirement, attribué à Centre de la Mer (CDLM) pour le montant annuel de 150 096 000 FCFA TTC.
Au vu de la publication de l’attribution provisoire du marché dans le journal « Le Pays » des 22 et 23 septembre 2012, et « Le Soleil » du 24 septembre 2012, CCS, par lettre du 1er octobre 2012, reçue le lendemain, a saisi le CRD en contestation de l’attribution du marché à CDLM, après rejet de son recours gracieux par le PAD.
Par décision n° 122 du 12 octobre 2012, le CRD a ordonné la suspension de la procédure de passation du marché.
LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS
Au soutien de son recours, CCS avance deux motifs relatifs à l’attribution d’un marché en cours d’exécution et aux conditions d’attribution du nouveau marché.
Concernant le premier motif, CCS soutient qu’il est titulaire, depuis janvier 2011, pour une durée de deux ans, du marché de nettoiement du plan d’eau du PAD. Toutefois, à la fin de la première année, au moment du renouvellement du contrat, le Directeur Général du PAD n’a consenti que trois mois de contrat, de janvier à mars, en violation des stipulations contractuelles.
En dépit des protestations de CCS, cette autorité a refusé de renouveler le contrat, puis a préparé un dossier d’appel d’offres qui a donné lieu à une nouvelle attribution que le requérant conteste.
En effet, aux dires du requérant, l’attributaire du marché, Centre de la Mer n’est pas l’entreprise la moins disante et ne possède aucune référence valable en matière de nettoiement de plan d’eau. Elle ne dispose pas, non plus, de l’agrément exigé dans le DAO et délivré par la Direction de l’Environnement.
Par ailleurs, l’attributaire ne possède pas les moyens de collecte (camions hydrocureurs) nécessaires à l’entretien du plan d’eau.
Enfin, CCS critique le critère relatif à la possession ou à la location de la tête Delta (écrémeur), motif pris de ce que cette exigence ne peut constituer un critère de qualification dans le cadre de l’entretien d’un plan d’eau, dans la mesure où il coûte très cher comparé aux offres des soumissionnaires et eu égard à la durée de l’amortissement comparée à celle du marché qui est de deux ans.
Dans le même ordre d’idées, sur le plan technique, son efficacité technique reste à prouver, parce que ce type d’engin n’est pas adapté au plan d’eau du PAD qui est extrêmement pollué par rapport aux surfaces que ce type d’écrémeur a l’habitude de traiter. Il en conclut qu’un camion hydrocureur pourrait faire le même travail.
En conclusion, il sollicite l’annulation de la procédure en cours au regard du préjudice financier encouru, en raison des engagements pris avec sa banque sur la base d’un contrat biannuel.
LES MOTIFS DONNES PAR L’AUTORITE CONTRACTANTE
Dans le rapport d’analyse des offres, il est consigné les observations suivantes, en ce qui concerne CCS : « le soumissionnaire CCS n’a pas fourni l’agrément délivré par le ministère de l’environnement sur les activités de collecte, stockage et transfert d’ordures ».
Aussi, le soumissionnaire CCS n’a pas présenté le personnel requis avec les CV. Il a présenté un organigramme.
Le comité technique a envoyé une lettre signée par le président de la commission des marchés à CCS le 28 août 2012 pour fournir dans un délai de 72 heures, un contrat de location ou de vente de la tête Delta et un agrément délivré par le Ministère de l’Environnement à son nom pour les activités de collecte, stockage et transfert d’ordures et les CV du personnel.
A l’expiration du délai, il a envoyé les CV et n’a pas fourni l’agrément du ministère de l’environnement sur les activités de collecte, stockage et transfert d’ordures ».
S’agissant de Centre de la Mer, il est mentionné : « le soumissionnaire CENTRE DE LA MER a fourni un engagement sur l’honneur d’acquérir la tête Delta (écrémeur), une pompe hydrocureuse Sel Wood, une cuve et une benne roulante qui pourra aussi bien servir côté terre qu’en mer embarqué sur un navire s’il est attributaire du marché ».
Le comité technique a envoyé une lettre signée par le président de la commission des marchés à CENTRE DE LA MER le 28 août 2012 pour fournir dans un délai de 72 heures, un contrat de location ou de vente d’un hydrocureur équipé de tête Delta.
Suite à cette lettre, CENTRE DE LA MER a fourni dans les délais, un contrat de vente d’un écrémeur (tête Delta) et d’une pompe SELWOOD d’EROFLEX Logistique et un contrat de vente d’une citerne et d’une benne roulante».
En conclusion, après vérification des critères de qualification, la commission des marchés a relevé que seul le soumissionnaire CENTRE DE LA MER est qualifié et lui a attribué le marché.
L’OBJET DU LITIGE
Il résulte de ce qui précède que le litige porte sur la décision du PAD de mettre un terme au contrat le liant à CCS, la pertinence du critère concernant la possession ou la location d’une tête Delta et la qualification de l’attributaire du marché ainsi que celle du requérant.
L’EXAMEN DU LITIGE
1- Sur la rupture du contrat liant CCS et le PAD
Considérant qu’il résulte du contrat souscrit par le PAD et CCS le 28 mars 2011 et qui prend effet à compter du 1er janvier 2011, que le marché est conclu pour une durée d’un an renouvelable une fois, limitant la durée du contrat à deux ans. Il se poursuivra pas tacite reconduction après une période d’un an sauf dénonciation écrite adressée par l’une ou l’autre des parties, au moins deux mois avant la fin d’une année contractuelle.
Cette dénonciation mettra fin au marché au jour où la notification prendra effet ;
Que, cependant, il apparaît des correspondances produites par le requérant que par lettre du 02 avril 2012, le Directeur général du PAD a annoncé à CCS son intention de ne pas renouveler le contrat et de procéder à un nouvel appel d’offres à l’arrivée du terme du contrat fixé au 30 mars 2012;
Que, par lettres des 05 et 26 avril 2012, CCS a, sur la base du contrat signé avec le PAD, contesté cette décision et a appelé l’autorité contractante à reconsidérer sa décision ;
Qu’en réponse à cette requête, le Directeur général du PAD après avoir rappelé que la reconduction du contrat doit être faite par avenant et qu’il avait décidé de ne pas procéder au renouvellement dudit contrat, a fixé le nouveau terme du contrat au 1er mai 2012, pour tenir compte du délai de préavis et du temps nécessaire à la préparation du nouvel appel d’offres;
Considérant qu’il apparaît de l’exposé des faits et des conclusions de CCS que la décision du PAD de ne pas renouveler le contrat relève de l’application et de l’exécution dudit contrat ;
Qu’en pareille occurrence, il n’appartient pas au CRD de statuer, puisque sa compétence en matière d’exécution des marchés publics est circonscrite par l’article 137 du code des marchés publics à celle d’amiable compositeur ;
Qu’au demeurant, l’article 139 du COA précise que les tribunaux régionaux sont seuls compétents pour connaître du contentieux des contrats administratifs;
Qu’au surplus, le contrat signé entre le PAD et CCS stipule que les contestations relatives à l’interprétation ou à l’exécution du marché seront tranchées selon le règlement de la procédure à l’amiable, sous l’arbitrage du Directeur Général du PAD conformément aux articles 126 à 130 du Code des marchés publics. Si les différends persistent, il en sera référé à l’arbitrage du Tribunal Régional de Dakar ;
Qu’ainsi, il y a lieu de dire que le CRD est incompétent pour statuer sur la rupture du contrat décidée par le PAD ;
2- Sur la pertinence du critère concernant la possession ou la location d’une tête Delta
Considérant que, s’il est permis à une entreprise de contester les règles relatives à la participation des candidats, aux capacités et garanties exigées à l’occasion de la passation d’un marché public, la contestation doit être faite dans les délais fixés aux articles 88 et 89 du code des marchés publics ;
Que les délais précités étant largement dépassés, il y a lieu de constater la forclusion de CCS sur ce point ;
3- Sur la qualification de Centre de la Mer et du requérant
Considérant qu’à l’IC 5.2 des Données Particulières de l’appel d’offres (DPAO), il est stipulé que les soumissionnaires devront d’une part justifier d’une expérience en tant qu’entreprise principale dans le domaine de nettoiement de plan d’eau, de nature et de complexité similaire au cours des cinq (5) dernières années (fournir au moins une référence), d’autre part fournir un agrément délivré par le ministère de l’environnement sur les activités de collecte, stockage et transfert d’ordures ;
Que, par ailleurs, le personnel devra comprendre au moins :
- Un cadre supérieur (bac +4) en gestion de l’environnement ou équivalent, avec une expérience de trois (03) ans dans le domaine du nettoiement maritime (CV signé et diplôme à fournir) ;
- Un technicien supérieur en électromécanique (DUT) bac + 2 ou équivalent avec une expérience de cinq (05) ans dans le domaine du nettoiement maritime ;
Qu’en outre, l’I.C 5.4 (c) prévoit que les équipements essentiels que doit fournir le soumissionnaire sélectionné pour l’exécution du marché sont :
- 01 hydrocureur de capacité au moins supérieure ou égale à 8 m3 ou de 02 hydrocureurs dont la somme des capacités est au moins supérieure ou égale à 8 m3 ;
- 01 tête Delta aspirateur de film d’hydrocarbure ;
- 01 camion de 16 m3 pour l’évacuation des déchets ;
- 01 camion citerne de capacité minimale 8 m3 ;
- 01 karcher pour le nettoyage des murs de quai, des enrochements et moellons des digues de protection ;
Pour tous matériels en propriété, l’entreprise doit joindre dans son offre les justificatifs nécessaires ;
Sur la qualification de CCS
Considérant qu’il résulte des termes mêmes du recours de CCS qu’il n’a pas pu disposer de l’agrément exigé, en raison du délai de traitement de son dossier au niveau de la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés ;
Qu’ainsi, il y a lieu de constater qu’il n’a pas satisfait à ce critère du cahier des charges ;
Considérant qu’en ce qui concerne le personnel, comme mentionné dans le rapport d’évaluation, CCS a, dans son offre, présenté un organigramme, mais, en complément de son dossier, fourni les curricula vitae d’un ingénieur polytechnicien et d’un titulaire d’un brevet de technicien en mécanique automobile, en lieu et place d’un technicien supérieur en électromécanique justifiant d’un DUT ;
Qu’en conséquence, CCS n’ayant pas, non plus, respecté le critère relatif au personnel, il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la commission des marchés du PAD a jugé qu’il n’est pas qualifié ;
Sur la qualification de Centre de la Mer
Considérant qu’à la suite de la lettre de demande de complément de dossier adressée aux candidats, Centre de la Mer a fourni deux contrats de vente signés par EROflex Logistique et La Mire Entreprise Travaux d’Equipement Génie Civil, concernant d’une part un écrémeur et une pompe SELWOOD de 30 m3 et, d’autre part une citerne roulante de 8 m3 et une benne roulante ;
Qu’il y a lieu de relever que Centre de la Mer a respecté, sur ces points, les critères contenus dans le DAO ;
Considérant que, par ailleurs, dans son offre, Centre de la Mer a produit la lettre n° 03164/MEPN/DEEC/ncs.nd du 14 août 2012 par laquelle le Directeur de l’Environnement et des Etablissements Classés l’autorise, suite à sa demande d’agrément de collecte, de stockage et de transfert des déchets du Port, à faire traiter lesdits déchets par la SOCOCIM ;
Qu’ainsi, le grief tiré de l’absence d’agrément n’est pas fondé ;
Considérant que, toutefois, s’agissant de l’expérience spécifique, Centre de la Mer a fait cas de deux marchés concernant d’une part les travaux de dépollution d’une coque de navire, en octobre 2011, pour le montant de 11 500 000 FCFA, et d’autre part les prestations de nettoyage et de dépollution d’un coque de navire, en décembre de la même année, pour le montant de 8 750 000 FCFA ;
Qu’à l’appui de ces travaux, il a été joint deux attestations signées, l’une par Messinaline Sénégal attestant que Centre de la Mer a réalisé les prestations de nettoyage et de dépollution de la coque du navire accosté en zone sud MV JOLLY ARGENTO… , suite à la pollution notée sur le plan d’eau du Port Autonome de Dakar, l’autre par BUUD Sénégal qui renseigne que Centre de la Mer a réalisé de manière satisfaisante les prestations de dépollution de la coque du navire M/V
AUTRES DECISIONS
Décision n° 127/12/ARMP/CRD du 17 octobre 2012 du Comité de Règlement des Différends statuant en commission litiges sur le recours de ESEF SURL contestant la décision d’attribution du marché relatif au nettoiement des locaux et annexes du Port Autonome de Dakar.