AVIS N° 005/11/ARMP/CRD DU 20 AVRIL 2011

 

AVIS N° 005/11/ARMP/CRD DU 20 AVRIL 2011 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA SAISINE DE LA PRIMATURE PORTANT SUR LA CONDUITE A TENIR PAR RAPPORT A LA DEMANDE D’AUTORISATION DU MINISTERE DE LA COOPERATION INTERNATIONALE, DES TRANSPORTS AERIENS, DES INFRASTRUCTURES ET DE L’ENERGIE DE PASSER PAR ENTENTE DIRECTE,  LE MARCHE D’ACQUISITION DE DEUX (2) BACS AUTOMOTEURS POUR LES LOCALITES DE KATAKALOUSSE ET FOUNDIOUGNE

LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,

Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, notamment en son article 30 ;

Vu le décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant Code des Marchés publics modifié, notamment en ses articles 86, 87 et 88 ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), notamment en ses articles 20 et 21 ;

Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;

Vu la lettre n°00351/PM/CAB/BSC/SP de la Primature transmettant la demande d’autorisation du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie, en date du 12 avril 2011;

Après avoir entendu le rapport de M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires, juridiques présentant la requête du demandeur ;

En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, assisté de M. Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des  Différends, De Messieurs Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques et René Pascal DIOUF, Chargé des enquêtes sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et moyens exposés

ci après :

Par lettre du 12 avril 2011, enregistrée le 13 avril 2011 sous le numéro 247/11 au Secrétariat   du   Comité de Règlement des Différends,  la Primature a saisi le CRD d’une demande d’autorisation du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures  et de l’Energie,  de passer par  entente directe, un marché pour l’acquisition de deux (2) bacs automoteurs pour les localités de Katakalousse et Foundiougne ;

SUR LA COMPETENCE DU CRD

Considérant qu’aux termes de l’article 22 du décret   2007-546   du   25   avril   2007

portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, la Commission Litiges statue sur

les litiges entre les organes de l’Administration intervenant dans le cadre de la procédure de  passation ou d’exécution des marchés publics et délégations de service public ;

Considérant que le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie a sollicité l’autorisation de passer un marché d’acquisition par entente   directe de deux bacs automoteurs auprès de la DCMP qui a donné un avis défavorable par lettre n°9 /MEF/DCMP/39 du 1er février 2011 ;

Considérant que par courrier en date du 15 mars 2011, le requérant a saisi le Premier Ministre aux fins d’une autorisation, en référence aux dispositions de l’article 76.2 du Code des Marchés publics modifié ;

Considérant que par lettre datée du 12 avril 2011, la Primature a préféré recueillir l’avis du CRD en vue d’indiquer au requérant la procédure à suivre pour la satisfaction urgente du besoin identifié Qu’il y’a lieu de déclarer le CRD compétent ;

LES FAITS

Il procède de la lettre adressée au Premier Ministre que dans le cadre de la politique de désenclavement et de promotion du transport en milieu rural, le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie a confié au bureau d’études GRID Consultas, par le biais de AGEROUTE Sénégal, la mission d’auscultation et d’inspection  détaillée de quatre (4) ouvrages d’art situés sur la route Ziguinchor- Cap Skiring.

Selon les conclusions dégagées par l’étude, il a été relevé des dégradations très avancées  au niveau    des fondations du pont de Katakalousse, nécessitant la fermeture immédiate dudit ouvrage à la circulation par mesure de sécurité.

Toutefois, la mise en œuvre de cette mesure sans une solution alternative permettant d’assurer la   continuité des déplacements des personnes et des biens s’avère difficile, selon le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie d’autant plus qu’elle irait à l’encontre des engagements pris par l’Etat pour la relance des activités économiques de   la Casamance.

C’est pourquoi le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des   Infrastructures et de l’Energie a sollicité l’acquisition d’un bac automoteur de sécurité pour pallier   les désagréments que va causer la reconstruction du pont de Katakalousse ;

Par la même occasion, le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie a envisagé le remplacement du bac de Foundiougne qui cause des soucis aux usagers en raison de ses pannes fréquentes dues à sa vétusté.

Face à ces situations qualifiées d’extrême urgence par le Ministère de la Coopération Internationale,      des Transports  Aériens, des Infrastructures et de l’Energie, la Direction des Routes, maître d’ouvrage     du projet, compte acquérir par entente directe, deux bacs de 100 tonnes et de 40 tonnes destinés   respectivement aux localités de Foundiougne et de Katakalousse.

Après avoir obtenu par lettre n°9/MEF/DCMP/39 du 1er février 2011 de la DCMP un avis défavorable   à une demande d’autorisation de passer le marché par entente directe, le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie a introduit la requête par lettre datée du 12 avril 2011 auprès du Premier Ministre qui demande à son tour, l’avis du CRD sur la procédure à suivre.

LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DE LA DEMANDE

Au soutien de sa demande d’autorisation de passer un marché par entente directe, le Ministère       de la Coopération Internationale, des Transports  Aériens, des Infrastructures et de l’Energie soutient que la situation d’insécurité qui prévaut dans la zone ne milite guère pour les ruptures de charges    en raison des déviations difficiles à réaliser dues à la présence de zones marécageuses.

C’est pourquoi la réhabilitation du pont de Katakalousse ne peut se faire sans au préalable la mise en   place d’un bac automoteur destiné à la circulation des personnes et des biens.

Par ailleurs, le Ministère de la Coopération Internationale, des Transports  Aériens, des Infrastructures et de l’Energie envisage par la même occasion le remplacement du bac de Foundiougne qui cause des soucis aux usagers en raison de ses pannes fréquentes dues à sa vétusté.

Eu égard aux contraintes liées à l’urgence impérieuse et aux délais de passation dudit marché en   procédure d’appel  d’offres, le Ministère de la  Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie a sollicité l’autorisation de passer un marché par entente directe pour acquérir les deux bacs.

LES MOTIFS DONNES PAR LA DCMP

Comme motif à son refus, la DCMP fait état d’insuffisances dans le dossier qui lui a été transmis, à savoir la non indication du nom du prestataire retenu, les raisons qui ont présidé à son choix ainsi que le montant du marché.

La DCMP déclare également  que les informations fournies par le Ministère de la Coopération        Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie ne permettent pas d’asseoir le caractère impérieux de la situation évoquée eu égard au délai de six mois proposé par les candidats et jugé assez long pour la réception des engins.

En effet, concomitamment à cette demande d’autorisation de passer un marché par entente directe, la DCMP affirme qu’elle a été saisie par l’AGEROUTE Sénégal pour l’examen d’un dossier d’appel d’offres relatif à la reconstruction du pont de Katakalousse dont la durée des travaux est fixée à six (6) mois ; par conséquent, si les   deux   procédures   se   déroulent   normalement,   les   travaux   de   reconstruction   du pont de Katakalousse et la réception du bac pourraient coïncider.

En ce qui concerne le bac de Foundiougne, il est à noter, d’une part, que le caractère imprévisible ne ressort pas de l’examen du dossier et, d’autre part, que les pannes récurrentes      sont   consécutives     au défaut de planification et de maintenance de l’équipement.

En définitive, sur ce deuxième cas, la DCMP a suggéré au requérant d’explorer une autre voie comme la mise à contribution du génie militaire en attendant un carénage et une révision générale du bac ;

L’OBJET DE LA DEMANDE :

Il résulte de la saisine des faits et moyens qui la soutiennent que la demande d’avis porte sur la validité du motif « d’urgence impérieuse » invoqué par le Ministère de la Coopération       Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie pour être autorisé à passer un marché par entente directe.

EXAMEN DE LA DEMANDE :

Considérant que l’article 76 nouveau du Code des marchés publics modifié par le décret n°2011-04 du 06 janvier 2011 définit les cas  pour lesquels il peut être utilisé la procédure pour passer un marché par entente directe ;

Considérant que ces cas se limitent :

-    aux prestations complémentaires qui, au moment de la conclusion du contrat initial, n’étaient pas prévisibles et sont rendues nécessaires pour sa parfaite exécution ;

-    aux prestations relevant de la détention d’un droit d’exclusivité ;

-    aux marchés relevant de l’urgence impérieuse ;

Considérant que selon les dispositions de l’article 76 nouveau du décret 2011-04 du 06 janvier  2011    portant Code des Marchés publics modifié, l’avis favorable de l’organe chargé du contrôle a priori est   requis,  à l’exception des marchés pour lesquels l’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour l’autorité contractante et n’étant pas de son fait, n’est pas compatible avec les délais exigés par les procédures d’appel d’offres ;

Considérant que dans pareil cas, si l’autorité contractante n’accepte pas l’avis émis par la DCMP,    elle ne peut poursuivre la procédure qu’en saisissant le Premier Ministre qui certifie par notification écrite à l’ARMP que l’attribution du marché doit être poursuivie immédiatement pour des raisons    tenant à la protection des personnes et des biens, à une catastrophe naturelle, technologique ou sanitaire ;

Considérant donc qu’il ressort dudit article 76.2 nouveau du Code des marchés publics modifié que le Premier Ministre est compétent pour se prononcer en dernier ressort pour les marchés devant être passés par entente directe en cas d’urgence impérieuse ;

Considérant cependant que l’article 4.29 nouveau du Code des marchés publics modifié définit l’ «urgence impérieuse » comme toute urgence résultant d’un événement imprévisible qui n’est en aucun cas imputable à l’autorité contractante et qui est à l’origine d’une situation imposant une action rapide et justifiant à cette fin, diverses dérogations à des règles normales de passation et d’exécution des marchés publics, délégations de service public et contrats de partenariat, notamment les règles de forme et les délais normaux de mise en œuvre des procédures de publicité et de mise en concurrence prévus ;

Considérant qu’à cet égard, pour qu’une situation soit qualifiée «d’urgence impérieuse », il faut  nécessairement  que les quatre (4) conditions cumulatives suivantes soient réunies :

1)    la survenance d’une catastrophe ;

2)   le caractère imprévisible de la catastrophe pour l’autorité contractante,

3)   la non imputabilité à l’autorité contractante des causes de la catastrophe ;

4)   l’incompatibilité des délais de passation du marché ;

Considérant que contrairement à la notion d’ « urgence simple » qui permet à l’autorité contractante de prouver l’urgence et l’impossibilité de respecter les délais normaux de la procédure pour des raisons sérieuses ne résultant pas de son fait, les marchés passés sous l’urgence impérieuse ne peuvent porter que sur des interventions immédiates et strictement nécessaires après survenance de    la catastrophe, par exemple lorsqu’il s’agit de déblaiements, de démolition à titre préventif d’ouvrages menaçant ruine, la fourniture de couvertures, le rétablissement du fonctionnement  des    réseaux d’eau et d’électricité survenus après une catastrophe ;

Considérant qu’en l’espèce, même si une catastrophe liée à l’écroulement du pont de Katakalousse est envisageable en raison des dégradations très avancées, force est de constater que la condition suspensive n’est pas encore réalisée ;

Considérant que d’autre part, le manque de planification dans l’entretien du bac de Foundiougne, voire la possibilité de son remplacement en raison de la durée de son amortissement,   écarte  le   caractère imprévisible de la situation, tout en imputant la responsabilité à l’autorité contractante ;

Que par ailleurs, la situation d’urgence impérieuse ne s’accommode guère avec  des délais de livraison assez long de six (6) mois ;

Qu’il y a lieu par conséquent de dire que les conditions nécessaires pour caractériser l’urgence      impérieuse tant pour le bac de Katakalousse que pour celui de Foundiougne ne sont pas réunies ;

Considérant qu’en revanche, même si les conditions de recours à la notion d’urgence impérieuse ne sont pas réunies, il y a lieu de tenir compte de la situation d’urgence simple engendrée par les risques et menaces certaines qui pèsent sur l’utilisation du pont de Katakalousse et qui met l’autorité  contractante dans l’obligation d’une intervention immédiate pour la sauvegarde de l’intérêt public,   incompatible avec le respect des délais normaux de passation ;

Que même si les dispositions du Code des marchés publics modifié ne prévoient pas la situation des marchés pour lesquels, en raison des circonstances particulières ou locales, une action rapide de l’autorité contractante, justifiant la réduction des délais de réception des candidatures et des offres  est nécessaire afin de prévenir un danger, force est de reconnaitre que dans pareil cas, il y a lieu pour l’Etat, d’assurer sa mission de service public ;

Qu’à cet égard, l’autorité contractante pourrait, à sa demande, être autorisé par l’ARMP, à titre exceptionnel, à utiliser la procédure d’appel d’offres restreint prévue à l’article 73 nouveau du Code des Marchés modifié ;

Qu’en tout état de cause, il appartient au Premier Ministre de se prononcer en dernier ressort sur ladite requête, conformément aux dispositions de l’article 76.2 nouveau du décret 2011-04 du 06 janvier 2011 portant Code des Marchés publics modifié ;

EMET L’AVIS SUIVANT :

1)    Constate que la situation «d’urgence impérieuse » invoquée par l’autorité contractante pour passer par entente directe le marché d’acquisition de bacs pour la localité de Katakalousse et celle de Foundiougne n’est pas établie ;

A cet égard,

2) Dit cependant que pour le cas du bac de Katakalousse, il y a lieu de tenir compte du risque certain   engendré par la menace réelle qui pèse sur son utilisation ;

  qu’à cet égard,

3) Dit que conformément  à  sa mission de protection sociale, l’autorité contractante pourrait, à titre exceptionnel, à sa demande, être autorisée à utiliser la procédure de passation, par appel d’offres restreint ;

4)  Dit que pour l’acquisition du bac de Foundiougne, il doit être passé un appel d’offres en procédure normale ;

5)  Dit que le Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publicsest chargé de notifier à la Primature et à la DCMP, le présent avis qui sera publié.

Le Président

Abdoulaye SYLLA

 

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Mis à jour (Lundi, 17 Décembre 2012 12:27)